Extrait de ma série télé
Naître chez des prolos au nord du Nord de la France ne me prédisposait pas trop à l'écriture, exception faite bien sûr de quelques sereines insultes envers la maréchaussée sur des murs humides du crachin omniprésent.
Seize ans, l'heure de quitter la scolarité obligatoire, l'heure d'aller dans le chantier naval local aider à construire des bateaux, et l'heure de mes premiers émois. Tout cela au même moment.
Mais pour ma première Marguerite d'amour, je me crus investi d'un don poétique au ras des pâquerettes, d'un genre plus que banal, insignifiant, style "Je veux plonger dans l'eau verte de tes yeux...". Est-il utile de préciser que la Marguerite d'amour a vite disparu une fois que je l'eus mal effeuillée ?
Malgré cette rupture et sur ma lancée, j'ai pondu des poèmes, et encore des poèmes éplorés sur la douleur intense que je ressentais, avant que le traitement d’antibiothérapies à dose unique ne me soulage grandement.
Marguerite m'a planté, le chantier naval a fermé. Je m'orientais vers l'informatique qui, je l'avoue, n'attendait pas après moi, et heureusement.
Là où je 'bossais', j'avais du temps libre et Rose avait remplacé Marguerite.
Ne trouvant rien à poèmer sur Rose, sujet épineux, je me mis à causer de moi. Et comme parfois je m'aime bien, les formats changèrent. Je passais du sketch au format court, de la brève au roman, du retour du poème aux pièces de théâtre.
Une petite dizaine de comédies, presque toutes lues, remarquées et encouragées par Olivier Lejeune, a été écrite.
Alors pourquoi ne pas amener les personnages du papier vers la 3D ?
Aller, boum, allons-y : ma troupe de théâtre internationalement inconnue a vu le jour. J'ai quand même été demandé au Canada, mais je sais pas si ça compte, les canadiens sont pas des gens comme nous...
Parallèlement, les livres sont édités, certains récompensés, comme "Les familles, polies, tiquent." et paraissent dans des journaux pas du tout locaux, comme la gazette du val d'Oise, sous forme de feuilleton estival.
Les salons de Bruxelles et Paris m'ont fait l'honneur d'invitations.
Et entre autres adaptations de classiques du répertoire, animations d'ateliers théâtre, contes pour enfant, chansons, et aussi quelques petits films familiaux qui répondaient aux journaux eux aussi familiaux, j'ai cru ainsi être connu. Enfin, au moins dans ma famille... Ben pas sûr.
Et puis Annette est arrivée. Je fais toujours dans la verdure, mais j'attaque maintenant la plante aromatique.
Et l'Aneth me dit : "T'en n'as pas le ras le bol du vase qui déborde dans la coupe déjà pleine ? T'as peut-être pas de talent, mais faut que ça se sache. Tu vois pas à la télé tous ces morvandeaux qui n'ont rien à dire, qui le disent mal et qu'on écoute quand même ? Allez zou, mon gars, on attaque. Ta série d'au moins deux saisons composées de six épisodes chacune, je veux que ça se sache ! Et, crois moi, ça se saura !"
C'est pas qu'elle soit méchante, mais elle sait ce que je veux parce que j'ai tendance à vouloir ce qu'elle veut.
Alors je voulais vous prévenir, lisez-moi. Faut pas énerver Annette.
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